Ce dimanche 21 MAI à 17h à l’abbatiale d’Essômes
Aller aux périphéries ! Le pape François n’a rien inventé, il s’inscrit dans la longue tradition missionnaire de l’Église. Ce que nous rappelle avec à propos ce premier spectacle du festival Jean de la Fontaine : La controverse de Karakorum.
Au milieu du XIIIe siècle, l’Église catholique cherche à entrer en contact avec la grande puissance asiatique du moment, l’Empire des Mongols, et c’est saint Louis, le roi de France, qui se charge de l’envoi d’ambassadeurs. Proche des dominicains et des franciscains, le roi organise deux missions successives, l’une confiée à André de Longjumeau, un dominicain, l’autre, à Guillaume de Rubrouck, un franciscain. Cette deuxième mission nous est bien connue grace à un admirable récit le Voyage dans l’empire Mongol, un ouvrage traduit en français (et aujourd’hui en langue mongole) et d’un intérêt historique et ethnographique exceptionnel.
Originaire du petit village de Rubrouck, dans les Flandres françaises, frère Guillaume part de Constantinople en 1253, accompagné du dominicain Barthélémy de Crémone. Après un long et périlleux voyage, il est introduit auprès du grand Khan Möngke (Mangu), petit-fils de Gengis Khan, dont l’une des filles est chrétienne. Ce dernier leur fait bon accueil et les autorise à entrer dans la capitale Karakorum, où ils seront, en 1254, les premiers missionnaires chrétiens occidentaux à pénétrer.
Le rapport du franciscain, très complet, décrit avec précision la géographie de la Mongolie, mais aussi les mœurs de ses habitants et son paysage religieux, signalant à Karakorum la présence de deux mosquées musulmanes, d’une église chrétienne (nestorienne) et de douze temples bouddhiques.
Entre autres épisodes de son périple qui dura 25 mois, Guillaume rapporte une séance de « controverse publique » qui fut organisée par l’empereur entre « musulmans, idolâtres, bouddhistes et chrétiens ». D’où le titre du spectacle de ce dimanche à Essômes : La controverse de Karakorum. Ce débat fut apparemment remporté haut la main par le franciscain (notre frère Guillaume n’est pas forcément totalement impartial !), notamment face à son adversaire bouddhiste, un érudit venu de Chine. Mais aucune conversion ne suivra, note avec tristesse le missionnaire qui constate alors l’échec de sa mission d’évangélisation. Le lendemain, il est convoqué par Möngke qui lui déclare : « Comme Dieu a donné à la main plusieurs doigts, Il a donné aux hommes plusieurs voies. Dieu vous a fait connaître les Ecritures saintes, et vous autres chrétiens vous ne les observez pas… A nous, Il a donné des devins-guérisseurs. Nous faisons ce qu’ils disent et nous vivons en paix…»
L’empereur donne alors congé aux émissaires et l’ambassade repart pour Saint Jean d’Acre, où Guillaume de Rubrouck remet son rapport au roi. Si l’alliance projetée entre les chrétiens d’Occident et les Mongols ne se fera pas, il en restera l’établissement de liens diplomatiques et courtois qui se poursuivront jusqu’au règne de Philippe le Bel.
Ces contacts ont repris au siècle dernier après la reconnaissance de la Mongolie par la France en 1965 et l’ouverture d’une ambassade à Oulan Bator en 1966. Le beau village de Rubrouck cultive précieusement la mémoire de frère Guillaume et reçoit régulièrement des visiteurs venus de Mongolie. En août 2016, un premier prêtre catholique autochtone a été ordonné à Oulan Bator. Frère Guillaume doit être heureux !
Pierre Moracchini (notamment à partir d’une dépêche de l’agence Église d’Asie du 23 août 2013)